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MANUEL D'INSTRUCTION ET D'EDUCATION RELIGIEUSES
Abbé Lucien Arène, Aumônier d'Ecoles libres
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9 - LE PÉCHÉ ORIGINEL

RÉFLEXION

A.- Voici maintenant le début de l'histoire de l'humanité - C'est-à-dire de la "Condition humaine" en sa nature propre et comparativement avec les autres genres créés par Dieu. Cette histoire nous enseigne que :

  1. Tout ce qui existe a été créé par Dieu.
  2. Tout ce que Dieu fit, Il le fit librement, pour nous manifester sa puissance et sa gloire, ainsi que par amour et pour le bonheur des humains.
  3. Dés sa création, la nature humaine fit son malheur et chuta pour son malheur en utilisant mal la liberté que Dieu lui avait confiée afin de valoriser ses actes par le mérite d’une bonne utilisation de cette liberté (d’ailleurs limitée et relative, comme nous l’expliquerons plus loin).

B.- Certes, Dieu aurait pu empêcher cette chute ; mais Il a voulu être aimé librement et volontiers de la part des êtres constitués ou doués d'un esprit : les Anges et les humains.

Pour bien signifier l'état de bonheur et d'union amicale avec le Créateur et Père des humains, la Bible nous indique que "Dieu planta un jardin en Eden, du côté de l'orient, et y mit l'homme qu’Il avait formé".C’est ce que nous appelons le "Paradis Terrestre", image de l’état d’amitié en lequel Dieu nous a créés.. Et l’Auteur sacré nous précise, en effet, qu’ "Adam et Ève y vivaient heureux, au milieu des animaux qui leur étaient soumis, entourés de beaux fruits, près d’un fleuve...". etc..

C.- Cet état d'amitié avec Dieu fut perdu par Adam et Ève "récapitulant", (comme l’écrit St. Paul), la nature humaine. C'est, en effet, la condition humaine qui s’exprima en Adam et Ève dans leur comportement vis-à-vis de Dieu. Se mettant en quelque sorte et par orgueil, en concurrence avec Dieu en vue de L’égaler, notre pauvre nature, en Adam et Ève et par eux, perdit l’état de Grâce en lequel elle avait été créée.

EXPLICATION

1.- Dieu a créé les humains dans un état d'innocence morale et de Grâce amicale avec Lui. De plus, au moment de leur création, les humains bénéficiaient de dons particuliers : Don d’ "intégrité" ( c'est-à-dire : soumission des sens à la raison ). Don d’ "immortalité". Don d’ "impassibilité" (c'est-à-dire : absence de douleur, de maladie et de souffrance). Et don de "science supérieure" par rapport à celle dont nous disposons désormais. - (etat préternaturel).

2.- Et pour donner une valeur particulièrement importante à leur comportement, afin de conférer à ce comportement un mérite tout particulier, Dieu fit don aux humains d'une liberté d'ordre pratique appelée "liberté physique". Celle-ci leur accordait la possibilité pratique d'agir de telle ou telle manière, c'est-à-dire de choisir telle solution plutôt qu'une autre, bonne ou mauvaise, selon la morale.

Ici, précisons qu'il ne faut pas confondre cette "liberté physique d'action" (appelée couramment libre arbitre) avec une liberté qui n'existe pas et que l'on appellera pour la circonstance : "liberté morale", laquelle consisterait à avoir le droit, en morale, d'agir n'importe comment : bien ou mal.

3.- Cette distinction entre "liberté physique" et ce qui serait une supposée "liberté morale" est particulièrement importante à faire ; car la liberté que Dieu a donnée aux humains ne leur accorde pas, par rapport à la morale, le droit d’agir n’importe comment, mais la possibilité pratique d’agir n’importe comment ; et cela, pour la raison que nous avons dite plus haut et concernant "le mérite" du bien-agir en se décidant en faveur du "bon choix".

4.- Il est clair que si Dieu a agi de la sorte envers les Anges et les humains, ce fut pour que ces êtres doués d'intelligence et d’une certaine liberté d'action aient le mérite particulier et personnel de faire le bien qu'ils ont l'obligation morale de choisir, alors-même qu’ils ont en même temps la possibilité pratique (mais sans en avoir moralement le droit) de se décider en faveur de ce qui est moralement mal ou mauvais.

5.- Mise en face de cette responsabilité, la nature humaine présente en Adam et Ève, au lieu d'utiliser ce "libre arbitre" pour choisir de moralement bien agir, tentée par le Démon en vue de s'affranchir de toute sujétion envers Dieu et par désir orgueilleux de Lui devenir semblable, choisit consciemment, librement et volontairement de suivre la tentation du Démon : ce fut là le "Péché Originel" c'est-à-dire le péché commis par ces nouveaux êtres créés par Dieu.

6.- A l'aide d'une comparaison, essayons d'expliquer plus profondément ce drame dans nos relations avec Dieu : Supposons qu'une lampe électrique fixée au plafond puisse raisonner, et que par orgueil elle se sente lasse de dépendre d'un fil conducteur de courant électrique dont elle dépend essentiellement pour pouvoir continuer de briller et d’éclairer la pièce où elle se trouve. Supposons maintenant qu'elle puisse effectivement se détacher de ce fil conducteur afin que, libre de toute entrave et sujétion, elle aille briller où bon lui semblera... Il arrivera alors, inévitablement et immédiatement, que cette lampe s'éteindra, le courant qui la faisait briller n'arrivant plus en elle...

7.- Cet exemple imaginaire permet de se faire une idée de ce qui se produisit, d'abord chez des Anges rebelles envers Dieu, en raison de leur orgueil; puis semblablement de la part de la nature humaine qui, tentée par le Démon, sombra dans l'orgueil dès le début de son existence inaugurée par Adam et Ève. C'est ainsi que l'humanité perdit l'état gracieux d'amitié et de bonheur dans lequel Dieu l'avait créée.

8.- Tel est l'orgueil, qui est négligence coupable et mépris de Celui qui est l'Essentiel, en vue de poursuivre et d'obtenir un agrément, un plaisir personnel auquel l'on n'a pas droit. C'est ce comportement qui constitue tout péché. Car cet agissement orgueilleux renverse les valeurs et crée le désordre. En se comportant de la sorte, le pécheur s'éloigne en même temps et tout logiquement de Dieu : c'est là, la conséquence de tout péché.

9.- Sans nier les indications relatives à la géographie des lieux ou à l'histoire dans lesquelles la Bible s'exprime, il est à remarquer que les faits rapportés ici ont essentiellement un sens allusif, souvent parabolique et symbolique.

C'est, d’ailleurs, ce même procédé que Jésus utilisa très souvent pour se faire comprendre et porter ainsi à la connaissance des auditeurs les moins cultivés, son enseignement religieux et moral. Agissant de la sorte, par ses paraboles et histoires inventées ou prises dans le courant de l'actualité d'alors, Jésus mettait à la portée de toutes les intelligences la compréhension de sa prédication. Ainsi en est-il assez souvent chez les auteurs inspirés ayant rédigé les différents livres de la Bible ; (sans que, pour autant, l’on en vienne à considérer, comme certains le prétendent, que "tout est symbole et mythe dans la Bible").

10.- C'est ainsi que le "Paradis Terrestre" dont parle la Bible fût l'agréable et heureux état d'amitié avec Dieu en lequel les humains avaient été établis avant le péché. De même que la préhension, par Ève, du "fruit défendu" exprime le manquement que la nature humaine a réalisé par rapport à l'ordre moral établi par Dieu. Et que le "Serpent Tentateur", dont l'action silencieuse, insinuante et venimeuse donne une idée précise de l'intention et de l'influence pernicieuse et maléfique que le Démon, ainsi représenté, a exercées sur les humains, dès leur création.

11.- Des théologiens pensent que c'est dans cette façon de présenter les choses qu'il faut considérer la manière de s'exprimer qu'a utilisée le narrateur de la Genèse dans sa "description" de la création et du Péché Originel commis par la nature humaine "récapitulée" en Adam et Ève. Cette appellation de Péché Originel provient évidemment du fait que ce fut le premier péché commis, et dès l'origine de la nature humaine.

12.- En conclusion de ces considérations qui divisent encore les interprètes et lecteurs de la Bible, on peut dire qu'il importe peu - relativement à l'essentiel - que l'auteur de ces passages de la Genèse rapporte des faits strictement historiques ou proprement symboliques. Ce qui est important parce qu’essentiel à retenir, c'est, comme pour les nombreuses paraboles de Jésus, la signification de ce qui est enseigné là.

13.- Du fait du "Péché Originel" la nature humaine perdit donc la Grâce d'union amicale avec Dieu, ainsi que tous ses privilèges et dons particuliers. Elle se priva de l'amour bienveillant de Dieu, supprimant ainsi l'intimité avec Dieu dans laquelle elle avait été créée.

14.- Rappelons-le ici : Le "Péché originel" n'est pas, à vrai dire, le seul péché d'Adam et Ève : Il est aussi le nôtre, puisqu'il est le péché de la nature humaine infidèle envers Dieu et "récapitulée" en Adam et Ève, et l'exprimant par leur comportement.

Rappelons-nous, en effet, la déclaration de St. Paul : " Voilà pourquoi, de même que par un seul homme (Adam) , le péché est entré dans le monde, et par le péché : la mort (de l'amitié divine), et qu'ainsi la mort a passé dans tous les hommes, parce que tous ont péché " (Épître de St. Paul aux Romains, chapitre 5, I2 ).

15.- Conséquemment, tous les humains naissent avec le "Péché Originel". Sauf la Vierge Marie qui en fut préservée par un privilège spécial de Dieu, en raison de sa parfaite fidélité envers Dieu et en raison aussi de la convenance d'une humaine perfection chez celle qui devait devenir la mère du Sauveur-Jésus. C'est cette sainteté si particulière, en effet, qui L'a fait choisir par Dieu en vue de réaliser son merveilleux plan de rachat de l'humanité par son Incarnation en Marie.

16.- En effet, face à une nature humaine pécheresse dès sa création, Dieu a manifesté son immense miséricorde envers elle en lui promettant un Sauveur. Du même coup, Il nous donnait alors la possibilité d'être rachetés, si nous sommes fidèles ; c'est-à-dire la possibilité de retrouver la gracieuse amitié avec Dieu que nous avions perdue en Adam et Ève.

17.- Et pour nous qui vivons bien après que cette promesse se soit réalisée en Jésus par son Incarnation et sa Rédemption, nous savons que le Messie-Sauveur est JÉSUS ; c'est-à-dire Dieu-fait-homme.

18.- En résumé de cet important chapitre, récapitulons l'essentiel de son contenu, à savoir:

  1. Que tout ce qui existe a été créé par Dieu.
  2. Que 1’être humain a fait l'objet d'une création particulière, composé qu'il est, d’une part : d'un élément corporel pris dans une des créatures préexistantes, et qui constitue son corps ; et d’autre part : d’un élément spirituel directement créé par Dieu, et qui constitue son âme.
  3. Que Dieu a créé la femme distincte de l'homme à divers égards, mais de mêmes valeur et importance que l'homme.
  4. Que cette nature humaine a été créée, à l'origine et en nos premiers parents, dans un état de bonheur et de grâce d'union amicale avec Dieu.
  5. Mais que cette intimité heureuse avec Dieu était tout logiquement subordonnée à un mode de vie menée en concordance avec le Bien, le Vrai et le Bon, qui sont les perfections divines reflétées par les lois morales de bonne conduite.
  6. Que pour conférer une valeur de mérite personnel au comportement des humains, Dieu leur donna une certaine "liberté de choix et d'action" appelée aussi "libre arbitre", ou encore "liberté physique" ; laquelle "liberté d’action" donnait à la nature humaine une possibilité pratique d'agir de telle ou telle manière ; mais non pas le droit moral de refuser le Bien et de choisir ce qui est moralement mal.
  7. Et que, hélas ! tentée et trompée par le Démon, la nature humaine, "récapitulée en Adam et Ève", désireuse d'égaler Dieu et voulant orgueilleusement s'affranchir des lois divines et morales, passa outre à ces obligations et tomba alors dans le péché, faisant ainsi et dès sa création, un mauvais usage de la liberté que Dieu avait mise en elle pour valoriser, par le mérite personnel, une vie d'amitié avec Lui et qui devait finalement la conduire à une intimité toujours plus étroite, heureuse, joyeuse et éternelle en Dieu.

QUESTIONS DU CHAPITRE NEUF

1) Nos premiers Parents, Adam et Ève, reçurent-ils des dons extraordinaires ?

- Oui, Adam et Ève reçurent de Dieu des dons extraordinaires : Ils n'étaient pas atteints par le péché et ils ne devaient ni souffrir, ni mourir.

2) A quelles conditions les humains pouvaient - ils rester saints et heureux ?

- Adam et Ève et leurs descendants pouvaient demeurer saints et heureux à la condition de toujours bien agir en faisant le bon usage de leur liberté.

3) Adam et Ève restèrent-ils soumis à la bienveillance de Dieu'.?

- Non, tentés par le Démon, Adam et Ève se séparèrent de Dieu en commettant, par orgueil, le péché; et ils se coupèrent ainsi de l'amitié de Dieu. Le péché de nos premiers parents est appelé le "Péché Originel".

4) Le Péché Originel s'est-il transmis à tous les humains ?

- Oui, le Péché Originel s'est transmis à tous les humains ; car par Adam et Ève, c'est la nature humaine qui a péché.

5) Que perdit la nature humaine en péchant ?

- En péchant, la nature humaine a perdu la Vie Surnaturelle de la Grâce et a connu alors l'attirance du péché, la souffrance et la mort.

6) La Vierge Marie, mère de Jésus, a-t-elle été préservée du Péché Originel ?

- Oui, la Vierge Marie a été préservée du Péché Originel ; c'est pourquoi nous disons qu' "Elle a été conçue sans péché", et qu'on L'appelle l' "Immaculée Conception".

7) Pourquoi la Vierge Marie a-t-Elle été préservée du Péché Originel ?

- La Vierge Marie a été préservée du Péché Originel en raison de sa dignité de mère du Sauveur-Jésus et aussi en raison des mérites particuliers de sa sainteté.

8) Qui étaient les parents de la Vierge Marie ?

- Les parents de la Vierge Marie étaient sainte Anne et saint Joachim.

CONSÉQUENCES PRATIQUES

A.- Par le Péché originel, nous réalisons combien notre nature est blessée en raison de notre état de pécheurs. ,

Certes, Notre-Seigneur est venu pour nous donner la possibilité d'être rachetés, en nous méritant la possibilité du pardon, nous "ouvrant ainsi la porte" de la réconciliation avec Dieu. Mais ce rachat ne s'impose pas à nous ; il ne se réalise pas automatiquement ; il ne peut être efficace pour chacun de nous que si chacun remplit les conditions lui permettant de bénéficier des mérites acquis par la Passion, la mort et la Résurrection victorieuse de Jésus en notre faveur.

B.- Pour bénéficier des mérites de Notre-Seigneur, il faut bien nous disposer à sa Grâce par toute notre manière de vivre ; par la pratique intelligente et respectueuse des sacrements ; par la prière ; par le respect des lois religieuses et morales dans notre vie de tous les jours ; par la menée d’une vie de justice et de charité envers le prochain ; par le recours au pardon sacramentel de nos péchés avec les dispositions nécessaires. Bref : en vivant vraiment notre foi chrétienne.

Notre temps de vie terrestre nous est donné pour vivre déjà en union avec Dieu et mériter la Vie Éternelle précisément par l'expérience de la vie terrestre.

C.- Il faut nous rappeler que, même si nous sommes bien disposés et faisons de réels efforts pour vivre chrétiennement, notre nature blessée par l'orgueil et nos péchés, doit demeurer courageuse et vigilante ; car : "le Démon, notre adversaire de toujours, rôde sans cesse autour de nous, comme un lion rugissant prêt à dévorer sa proie, et auquel il faut résister, forts dans la Foi". C'est là ce que nous rappelle St.Pierre, dans sa première lettre aux chrétiens.

D.- Certes, il ne faut pas voir le mal partout ; mais il faut bien considérer que le danger est constant d'oublier Dieu et de se laisser entraîner soit par nos passions intérieures, soit par les influences extérieures.

St. Jean rappelle souvent que " l'esprit du monde " est à l'opposé de " l'esprit de Dieu " ; surtout dans la société laïque dans laquelle nous vivons, tout particulièrement depuis la Révolution française de 1789, fondamentalement inspirée et réalisée contre la souveraineté de Dieu et la Religion chrétienne.

E.- La société matérialiste dans laquelle nous évoluons, toute préoccupée de jouissance sans frein des plaisirs terrestres et, pour cette raison, oublieuse ou ennemie des lois religieuses et morales par les puissants moyens dont elle dispose désormais, en particulier "les médias" sous toutes leurs formes ; mais aussi grâce à l'action de "sociétés de pensée", -  dont l'influente Franc-Maçonnerie qui inspire certaines de nos lois - exerce une influence manifeste et des plus déplorables en nos pays et sur notre pauvre jeunesse en particulier !

F.- Il n'est donc pas vrai qu'il est facile d'être chrétien. C'est même l'inverse ; et Jésus nous en a avertis : "Que celui qui veut Me suivre, prenne sa croix et vienne à ma suite !..."

De nos jours, plus que jadis ou naguère, bien des familles, chrétiennes de formation, sont contaminées par le "virus" du Modernisme : non seulement l'on abandonne toute ou partie importante de la "pratique religieuse", mais l'on s'est fait sa religion à soi, non contraignante, voire confortable et donnant bonne conscience ; même par rapport au péché auquel d'ailleurs on ne croit souvent plus...

G.- Mais : avec la Grâce de Dieu que nous devons mériter par notre comportement ; avec le respect et l'observance des lois religieuses et morales ; grâce à une volonté forte et à une prudence réaliste dans notre manière de vivre, il reste tout-à-fait possible de triompher des obstacles et des entraînements au Mal qui ont envahi, tout particulièrement et souvent puissamment, nos sociétés occidentales.